#3 — UX-Files : l’UX expliquée par les neurosciences cognitives → les émotions.

Margaux Membré
15 min readJun 12, 2021

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Article écrit en collaboration avec

L’expérience utilisateur (UX) correspond à ce que vit une personne lorsqu’elle interagit avec un produit ou service. Étudier cette expérience suppose d’analyser différentes typologies de facteurs psychologiques mais aussi contextuels.

Les sciences humaines et sociales représentent donc un véritable atout pour avoir une compréhension approfondie de ce qu’il se joue. Pour cette raison, de plus en plus de professionnels de l’UX s’intéressent aux sciences humaines et plus particulièrement à la psychologie cognitive.

La psychologie cognitive étudie le fonctionnement de la sphère cognitive selon les réponses comportementales et psychologiques qui en découlent. Elle permet ainsi de proposer des modèles explicatifs du fonctionnement de la pensée.

Ces modèles ne sont pas la réalité* car ils naissent de l’interprétation des chercheurs. Pour cette raison, il faut considérer que « tous les modèles sont faux, certains sont utiles » (George Box). Ainsi, cela n’empêche pas de les utiliser comme une métaphore simplifiée qui aide à comprendre comment fonctionne notre pensée et notre cerveau.

L’intérêt des neurosciences cognitives pour comprendre et expliquer l’UX réside donc dans le fait que :

  • D’une part, les neurosciences cognitives tentent de comprendre la cognition sur la base de l’étude anatomo-fonctionnelle du système nerveux central et périphérique. En ce sens, elles apportent une compréhension du fonctionnement de la pensée humaine « plus réaliste » que la psychologie cognitive.
  • D’autre part, une expérience, si elle découle d’une interaction, est avant tout créée par notre cerveau.

Par ailleurs, nous vous proposons d’aborder ce sujet au travers des émotions. En effet, ce qui différencie l’approche UX de l’ergonomie est sa profonde considération des émotions vécues par les personnes. Cette approche est bien plus représentative de la réalité car, comme vous allez le voir dans cet article, la cognition ne saurait être considérée séparément des émotions.

Photo d’un cerveau représenté en low poly avec différents points de couleurs pour illustrer les neurosciences.

L’attention

Parce qu’ils s’inscrivent dans un besoin de survie, les stimuli émotionnels bénéficient d’une sélection perceptive et attentionnelle privilégiée.

En effet, les stimuli émotionnels sont détectés plus rapidement et plus précocément par le cerveau que les stimuli non-émotionnels. Notamment, de nombreuses études de potentiels évoqués* ont observé que les potentiels P1 et N1** avaient une amplitude plus grande pour les stimuli émotionnels que pour les stimuli neutres. D’après certaines recherches, ces potentiels seraient le reflet suggérant ainsi une détection et un traitement précoce et privilégié de ce type de stimuli.

Cette préférence se traduit notamment par des temps de réponse plus courts pour les stimuli émotionnels. De plus, des chercheurs ont mis en évidence un biais de négativité, à savoir que les stimuli négatifs sont préférés sur le plan attentionnel aux stimuli positifs. L’instinct de survie expliquerait ce biais car les individus feraient le lien avec une situation potentiellement dangereuse. En effet, un stimulus négatif risque d’engendrer des conséquences bien plus graves et dramatiques que d’autres stimuli. Ainsi, ce biais représente un véritable avantage pour la survie de l’individu.

*Étude du fonctionnement du cerveau selon les modifications de l’activité électrique des neurones à la suite d’une stimulation extérieure.

**Les potentiels P1 et N1 surviennent respectivement aux alentours de 100 et 170 ms dans les régions cérébrales occipitales. Ils refléteraient ainsi les premières étapes de l’analyse visuelle corticale (Hopf & Mangun, 2000).

Les enseignements UX qui en découlent :

Si vous voulez attirer l’attention de vos utilisateurs sur des points spécifiques, vous pouvez donc faire usage de stimuli émotionnels. Ces derniers comprennent une variété de catégories, comme la peur, les bébés, les visages, l’humour, etc. Néanmoins, il faudra les utiliser avec parcimonie et de manière “appropriée”. En effet, des études ont aussi montré que l’effet de ces stimuli sur l’attention est modulé par la pertinence de la dimension affective (et donc de l’émotion) pour la tâche à réaliser.

Pour en savoir plus sur l’usage du biais de négativité, nous vous conseillons la vidéo du youtubeur Marketing Mania :

La mémoire

L’effet des émotions sur la mémoire est un objet d’étude relativement récent. Néanmoins, nous savons déjà qu’un vécu émotionnel sera mieux rappelé qu’un vécu neutre. En effet, comme on l’a vu précédemment, cela peut déjà s’expliquer par le fait que les stimuli émotionnels sont traités de manière privilégiée par notre cerveau. Cependant, plusieurs études ont montré que l’émotion a une influence sur les 3 étapes de mémorisation : l’encodage, la consolidation et la récupération.

Encodage

Certaines recherches sur l’impact des émotions sur l’encodage ont montré que l’émotion améliore la manière dont l’information est traitée et organisée dans le cerveau. Grâce à cela, cette information aura plus de facilité à être retenue en mémoire. Cet effet serait expliqué par le fait que les régions cérébrales impliquées dans le traitement et l’organisation des informations sont énormément activées lors d’encodage d’informations émotionnelles.

Consolidation

Dans le cas de la consolidation, plusieurs études suggèrent un rôle modulateur de l’amygdale sur l’hippocampe. En effet, des recherches en neuro-imagerie ont constaté que l’amygdale et l’hippocampe sont souvent co-activés lors de l’encodage d’informations émotionnelles, avec une augmentation de la connectivité fonctionnelle entre ces régions. Cette forte interaction peut expliquer pourquoi les stimuli émotionnels sont mieux retenus dans le temps que les stimuli neutres. Plus précisément, il semble que l’influence des émotions augmente avec le temps. Ainsi, cela suggère que les émotions tendent à rendre les traces mnésiques plus stables sur le long terme.

Récupération

Encore trop peu de recherches ont été menées pour étudier l’effet des émotions sur la récupération des informations en mémoire. En revanche, il semble que là encore, l’amygdale joue un certain rôle. En effet, des études en neuro-imagerie montrent qu’une augmentation de l’activité de l’amygdale pendant la récupération est associée à une réduction de l’activité dans les aires cérébrales alentour. Ainsi l’activité amygdalienne n’améliore pas uniquement la récupération des informations émotionnelles, mais semble aussi entraver la récupération de détails liés au contexte spatio-temporel plus neutre.

(Des études supplémentaires sont nécessaires pour confirmer ou infirmer ces conclusions)

Les enseignements UX qui en découlent :

Pour la conception :

Ces dernières années, les sciences cognitives ont tenté de prouver que les designs attractifs et “désirables” entraînent une meilleure interactivité entre l’Homme et la machine, grâce à la mémorisation des émotions liées à la satisfaction ressentie par les utilisateurs. Attention toutefois, il faut que l’émotion soit légère ou modérée car une émotion trop forte entraîne l’oubli d’éléments du contexte.

Pour la recherche :

Tout ceci explique pourquoi il existe une véritable dynamique temporelle de l’expérience d’usage avec un produit ou service :

  • Tout d’abord il y a une UX qui est a priori. En effet, les utilisateurs se représentent une expérience d’usage qui est fortement influencée par leurs expériences passées avec des outils ou situations similaires.
  • Après, il y a l’UX effective, c’est-à-dire, l’expérience vécue lors de l’usage. Cette UX est considérée comme le cœur même de l’expérience et est grandement dépendante de l’UX a priori.
  • Ensuite, il s’agit d’une “UX retenue” ou épisodique (pour reprendre le terme de C. Lellamand). C’est ce dont la personne se souvient de l’expérience. À cette étape, les processus de mémorisation modulent ce dont l’individu se souvient en fonction des pics d’émotions ressentis au moment de l’usage.
  • Enfin, les utilisations répétées d’un produit ou service génèrent une UX globale qui est finalement la somme des UX vécues.

Ainsi, considérer la dynamique temporelle de l’expérience dans nos protocoles de recherche offre une source précieuse d’informations concernant la réalité des personnes. En effet, les interroger sur ce qu’ils s’imaginent vivre avec un produit ou service et ce qu’ils ont retenu de leur interaction permet de contextualiser nos données et de les interpréter plus précisément et justement.

Le stress

Il existe 2 voies principales qui supportent la réponse physiologique du stress dans l’organisme : la voie sympathique-adrénaline-médullaire (SAM) et la voie hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS). Aujourd’hui, c’est cette dernière qui nous intéresse.

Tout commence dans l’hypothalamus qui libère une hormone, la CFH (ou Corticotropin-Releasing Hormone). Cette dernière va ensuite arriver jusqu’à l’hypophyse qui va alors libérer une nouvelle hormone, l’ACTH (ou Adreno-Cortico-Tropic Hormone). Celle-ci va arriver jusqu’aux glandes surrénales qui vont à leur tour libérer le cortisol. Ce sont ces libérations qui vont permettre de garantir le bon fonctionnement de l’organisme en période de forte demande d’énergie, d’attention, d’émotivité, etc.

Les situations ou stimuli qui génèrent du stress sont perçus comme étant nouveaux, incontrôlable, imprévisibles ou ambivalents. Le fait qu’un individu anticipe des conséquences organisationnelles ou psychologiques négatives est aussi source de stress.

De plus, plusieurs études ont montré que la voie HHS a un fort taux d’activation face à une situation d’incontrôlabilité et d’impuissance (= effort avec détresse) tandis que la voie SAM s’active plus lors de situations difficiles mais maîtrisables par l’effort (= effort sans détresse).

Enfin, la méta-analyse de Dickerson et Kemeny (2004) sur 208 études a montré que les tâches …

  • Perçues comme étant incontrôlables,
  • Qui créent un contexte d’échec forcé (= conséquences négatives inévitables ou échec assuré malgré de gros efforts), ou
  • Caractérisées par la menace de l’évaluation sociale*,

… génèrent une forte réaction de la voie HHS.

Précisément, ce sont les tâches perçues comme étant incontrôlables ET caractérisées par la menace de l’évaluation sociale qui stimulent le plus la voix HHS et qui génèrent la plus forte réponse au stress.

*La menace de l’évaluation sociale renvoie au fait que, pour la réalisation d’une tâche, les personnes tendent à comparer leurs performances par rapport à celles des autres. De plus, cette comparaison sociale implique des considérations liées à “la position sociale dans une hiérarchie de mérite”. Ainsi, cela risque d’impacter négativement l’auto-évaluation des individus et donc entraîner une baisse des performances et de l’estime de soi ainsi que l’apparition de comportements antisociaux.

Les enseignements UX qui en découlent :

Pour la conception :

Le système doit laisser l’utilisateur avoir le plus possible le contrôle sur ses actions et doit l’informer lorsque ce n’est pas le cas. Il doit aussi accompagner l’utilisateur dans sa tâche.

Il ne faut pas piéger les utilisateurs avec l’utilisation de Dark Patterns pour ne pas qu’ils se retrouvent dans un “contexte d’échec forcé”. Les Dark Patterns servent à manipuler l’utilisateur pour augmenter les ventes. S’inscrivant dans une stratégie marketing agressive, l’usage des Dark Patterns est contraire au design éthique et au code de conduite de l’UXPA.

Pour la recherche :

Là aussi, la personne doit sentir qu’elle a le contrôle de la situation. Avant de commencer une méthode de recherche (test, entretien, etc.), l’UX Designer ou Reseacher doit faire savoir au participant qu’il a la liberté de participer ou non, et qu’il peut s’arrêter à tout moment de participer à l’étude. Tout ceci sans qu’il n’ait besoin de se justifier ou que cela puisse avoir sur lui quelque conséquence que ce soit.

La menace de l’évaluation sociale est aussi présente dans le cadre de la recherche UX. Il est donc important de fournir à la personne toutes les informations pouvant limiter au maximum cette menace.

Par exemple :

  • rappeler l’objectif de l’étude;
  • lui dire que ce ne sont pas ses performances qui sont évaluées mais celles du système;
  • qu’il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse;
  • que sa participation est anonyme;
  • que les résultats obtenus ne seront exploités que dans le cadre de l’étude et ne seront pas publiés.

La prise de décision

La théorie des marqueurs somatiques proposée par Antoine Bechara, ainsi qu’Anna et Antonio Damasio les années 1990, nous explique que le cortex préfrontal ventromédian joue un rôle essentiel dans la prise de décision car c’est lui qui fait le lien entre les marqueurs somatiques et une situation décisionnelle complexe.

Les marqueurs sont une réaction du corps qui se manifeste lorsque l’on anticipe une situation de forte intensité émotionnelle. Ils découlent de la mémorisation d’une expérience passée ayant laissé une empreinte émotionnelle forte. Ainsi, lorsqu’un individu se retrouve dans une situation décisionnelle complexe, il commence à ressentir une émotion viscérale (= le “gut feeling”) donnant alors une indication quant à la désirabilité du choix à faire.

Ces marqueurs nous permettent alors de ne pas nous engager dans une réflexion rationnelle nécessitant une charge cognitive plus importante du fait de notre attention et mémoire de travail limitée. Ce sont des réponses somatiques qui sont automatiques et primitives puisque, comme expliqué précédemment, cela s’inscrit dans une stratégie de survie : “il vaut mieux prévenir que guérir.” En outre, cela s’explique par le fait que l’amygdale aurait une plus grande influence sur le cortex que l’inverse.

Les enseignements UX qui en découlent :

Si les émotions guident nos prises de décisions, elles peuvent aussi nous piéger en nous amenant à une mauvaise interprétation de la situation. C’est par exemple le cas avec l’effet du cadre de présentation* qui fait qu’un individu ne va pas prendre la même décision selon la présentation/formulation* des choix. Ce biais découlerait directement du biais d’aversion au risque et aux pertes.

Il faudra donc faire attention à nos formulations lors de la conception d’un produit ou service, de même que pour l’élaboration de nos méthodes de recherche puisque cela peut influencer la réponse donnée par les utilisateurs.

Attention, malgré le fait que nos émotions puissent nous tromper, elles restent une source d’information indispensable au processus décisionnel. Refuser d’écouter nos émotions nous conduit dans un état stressant d’”analyse et de paralysie” qui nous empêche de nous décider et d’aller de l’avant.

Biais cognitifs & Design — Noémie Lecorps — WEB2DAY 2017

La motivation

Il existe 2 systèmes cérébraux parallèles :

  • Le cerveau reptilien et mammifère qui fonctionne grâce au cervelet et à l’amygdale et qui gère les émotions. Il est rapide, très automatique et se situe sous le seuil de la conscience;
  • Le néocortex qui est lent et réfléchi et qui prend forme à travers la “voix” que vous entendez dans votre tête à chaque fois que vous réfléchissez.

Toutes les actions qui demandent une volonté de votre part sont induites par le néocortex et demandent donc la participation de la motivation. La procrastination, par exemple, est son adversaire principale : c’est le cerveau reptilien qui lutte pour reprendre le contrôle. Il n’est pas seulement paresseux, ce cerveau reptilien : il déteste aussi les changements, et est champion lorsqu’il s’agit de détourner votre attention.

“Oh, une notification !”

La réponse comportementale

Les chercheurs se sont rendu compte en analysant le comportement des singes que la dopamine est envoyée dans le système, non pas à la fin de l’action mais avant son accomplissement.

Cette prédiction neuronale (la projection du cerveau dans le futur) est le moteur de la motivation. Face à une certaine dose d’incertitude quant à la finalité, le système de la récompense multiplie la sensation de bien-être régulée par la dopamine.

L’aire tegmentale ventrale (ATV) envoie de la dopamine :

  • Aux amygdales qui gèrent les émotions,
  • Aux hippocampes qui s’occupent de la mémoire des événements et
  • Au striatum qui “apprendra” et ancrera le souvenir et ce que vous en avez appris dans votre cerveau.

C’est en se souvenant d’avoir vécu une expérience que l’on peut choisir de la réitérer ou de l’éviter !

Sans motivation donc, c’est le cerveau reptilien qui ressort vainqueur du ring. Pour le battre, il existe différentes méthodes :

  • Avoir un objectif à atteindre en le découpant en petites tâches ; la dopamine sera ainsi sécrétée plusieurs fois.
  • Ajouter de la nouveauté ou du divertissement à des tâches répétitives.

Les enseignements UX qui en découlent :

Les utilisateurs “embauchent” (Jobs To Be Done) un produit pour servir un but. Nous avons tous une motivation intrinsèque à chacune de nos actions : quand je me lève le matin pour aller travailler, c’est parce que j’espère être payée à la fin du mois.

Le système de la récompense fonctionne de pair avec l’unité d’apprentissage, qui renforce la motivation à réitérer l’action, et celui de la mémoire. Donc si vous suivez bien :

Plus vous récompensez votre utilisateur, plus il pense à ce que vous lui apportez (un afflux de dopamine notamment), ce qui le poussera à revenir sur votre produit ou service.

En faisant appel au Design Émotionnel, on sollicite directement les émotions qui peuvent avoir un impact très fort sur la motivation. Par exemple :

  • Grâce à ses phrases humoristiques, MailChimp vient casser votre routine de prévision de vos campagnes d’emailing.
  • Back Market suscite de la surprise et de l’amusement, ce qui vous rend plus apte à vous laisser tenter. D’une certaine manière, vous récompensez l’entreprise de vous avoir apporté de la joie et du rire en achetant l’un de leurs produits.

De même, en créant des habitudes* chez l’utilisateur, vous le rendez plus apte à revenir sur votre interface et ce, d’autant plus si vous utilisez des challenges, ou des choses qui sont ancrées émotionnellement.

Duolingo utilise le système de flammes (initié à la base par Snapchat) pour marquer le nombre de jours d’affilée où vous avez pratiqué la langue que vous étudiez. La perte de cette flamme et du nombre de jours associé est désagréable, et les utilisateurs de Snapchat ont d’ailleurs beaucoup râlé sur les réseaux sociaux en perdant leurs flammes car il y a un calcul coût-bénéfice qui entre en jeu.

Si je ne vais pas sur Duolingo, je perds ma progression que j’ai mis des jours et des mois à construire. Si j’y vais, je passe 5, 10 ou 15 minutes à pratiquer et je garde ma progression. Le bénéfice est donc plus grand que le coût. Mon cerveau ne tergiverse pas plus longtemps : je choisis de pratiquer.

Duolingo va même plus loin grâce à un bonus qu’il vous faut acheter, vous pouvez protéger votre progression si vous manquez un jour, de quoi éviter de ressentir l’aversion à la perte.**

*Les habitudes peuvent devenir prioritaires et devenir une dépendance. Attention donc aux habitudes que vous prenez, ou à celles que vous faites prendre à vos utilisateurs.

** L’aversion à la perte est, selon Wikipédia : un biais comportemental qui fait que les humains attachent plus d’importance à une perte qu’à un gain du même montant.

Conclusion

L’intelligence, la mémoire et tout ce qui est lié habituellement aux fonctions intellectuelles supérieures dans l’esprit collectif, sont indissociables des émotions, passions et pulsions.

Parce que nos ressources cognitives sont limitées, le cortex, cette partie rationnelle de notre cerveau, ne peut pas fonctionner correctement sans avoir recours aux régions limbiques du cerveau et donc aux émotions. Pour cette raison, l’émotion est liée étroitement à la cognition.

“Les événements portant une charge émotionnelle persistent beaucoup plus longtemps dans nos mémoires et on peut se les remémorer plus précisément que les souvenirs neutres”
John Medina
, Brain Rules.

Nos émotions, comme la peur, impactent directement notre attention, la prise de décision et notre motivation car elles nous permettent d’évaluer les dangers et d’y échapper. Elles ont donc grandement contribué à la survie de l’espèce.

Si nous avons évolué et que nous privilégions bien plus les décisions réfléchies et rationnelles (néocortex), nous sommes néanmoins toujours esclaves de notre cerveau reptilien (les émotions), ce qui se traduit par l’existence des biais cognitifs.

“Les choses attrayantes font du bien aux gens, et les font réfléchir de manière plus créative. En quoi cela peut-il faciliter l’utilisation d’un objet ? Tout simplement en permettant aux gens de trouver plus aisément des solutions aux problèmes qu’ils rencontrent”
Don Norman,
Design émotionnel — Pourquoi aimons-nous ou détestons-nous les objets qui nous entourent.

En associant les émotions et l’expérience utilisateur, nous nous assurons de créer un souvenir persistant dans le temps.

Toutefois, c’est aussi sur la base de ce fonctionnement cérébral influencé par les émotions que fonctionnent les Dark Patterns.

S’ils boostent les ventes (en écrasant votre côté rationnel, le néocortex), les Dark Patterns sont une source de stress qui ne génèrent que rarement des utilisateurs loyaux. Ils poussent les utilisateurs à prendre des décisions inconsidérées, en faisant appel à leurs émotions et en faisant libérer à l’amygdale de la dopamine, qui chargera émotionnellement le souvenir de manière négative.

Les utiliser, c’est prendre le risque de perdre la confiance de vos utilisateurs.

Il ne tient qu’à nous, les Designers d’Expérience Utilisateur, de faire en sorte que ce souvenir soit chargé positivement pour que les utilisateurs vivent une expérience agréable sur notre interface, et qu’ils prennent l’habitude d’y revenir. Ce n’est, après tout, qu’agir dans le meilleur intérêt de tous en se montrant honnête et intègre.

Bibliographie

Auteur inconnu. (2017). Qu’est-ce que les sciences cognitives peuvent apporter aux UX Designer ? Repéré à : http://referencement-site-francophone.com/quest-ce-que-les-sciences-cognitives-peuvent-apporter-aux-ux-designer/

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Habib, M., Lavergne, L., & Caparos, S. (2018). Psychologie cognitive : Cours, méthodologie, entraînement. Malakoff, France : Armand Colin.

Harmon-Jones, E., & Winkielman, P. (2007). Social Neuroscience: Integrating Biological and Psychological Explanations of Social Behavior. New York, New York : The Guilford Press

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Magrini, M. (2018). Le cerveau : Mode d’emploi. Paris, France : Marie Claire.

Mathieu, N. (2013). Traitement neurocognitif des émotions au cours du vieillissement : étude de l’ « effet de positivité » et ses conséquences (Thèse de doctorat, Université de Grenoble). Repéré à : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01175928/document

Walter, A. (2011). Design émotionnel. Paris, France : Eyrolles.

Margaux Membré est une UX/UI Designer étudiante à Webstart Lille et en stage chez Yper au moment où elle écrit ces lignes. Cet article a été écrit en collaboration avec Marie Barralis, UX Designer chez Keybas.

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Margaux Membré

I'm a UX/UI Designer who loves discovering news things and sharing them. ✨ And I love lamas ! 🦙